Alors que Dr.Dre vient de quitter le label Ruthess il rejoint le tout nouveau label Westcoast Death Row, apres un premier morceau pour le label Deep Cover restant un morceau de gangsta-rap dans la lignée de Efil4zaggin et de l'époque NWA. Alor que le morceau se déroule dans une atmosphère glacial et parle d'un rendez-vous meurtriez Dre appuyé de Snoop Doggy Dogg un tout jeune rappeur de LBC utilise comme thème de rap encore l'ultra-violence mégalomane de NWA.
Quel contraste avec les singles à l'hédonisme décontracté qu'il composera dans les mois suivants pour son monumental premier albums solo : The Chronic , le medley funkadelic Dre Day, le manifeste G-Funk Nuthing But a G-Thang et la langoureuse dérive automobile Let Me Ride. Et c'est ce contraste qui fera sortir le gangsta-rap du ghetto, pour lui faire rencontré le grand public.
Le moment n'était plus aux prophètes de l'apocalypse : c'est que l'apocalypse, à L.A, chacun avait entre-temps pu la vivre en direct, durant cette centaine d'heure de folie au printemps 1992 dont Dre s'était fait l'archiviste sur The Day Niggaz Took over. Apres un tel déversement de négatif, qui laissa sur le bitume près de 58 corps sans vie, et tout autour des milliers de ruines fumantes, Los Angeles n'avait plus vraiment envie d'entendre de nouveau appels à la révolution ; mais plutôt de souffler un peu, et de s'évader de toute cette merde en profitant d'un bon cône de « chronic »(herbe) bien tassé. Et Dr.Dre allait lui offrir exactement cela, en faisant de son premier album solo ou plus exactement de sa face émergée, c'est-à-dire ses singles une célébration décontractée des plaisirs simples du ghetto : conduire une Chevrolet, organiser un barbecue avec ses potes, se faire deux trois salopes pendant une soirée bien arrosée, et fumer un bon joint tout en regardant le ciel en rigolant.
The Chronic, ne se voulait que pur plaisir idiot, c'était en stéréo, le son des cigarettes qui font rire. Dre y récupérait les skits comiques de 3 Feet and Rising mais en les faisant rejouer par des G's de Compton en goguette The 20$ Sack Pyramid était un autre jeu télévisé mais adapté aux obessions du moment de Dr.Dre(Tim Dog, le cannabis). Nuthin' but a G-Thang venait juste après The Day Niggaz Took Over sur The Chronic, et ce n'était pas un hasard: avec son clip plein de voiture chromes rutilants, son duo débonnaire entre Snoop et Dre(pour qui DOC avec composé de pures party rhymes). Mais c'était le morceau surtout qui symbolisa la fin de l'ère sampladélique et le véritable début du G-Funk, car il était celui sur lequel Dr.Dre avait porté à la perfection sa technique de l'interpolation, c'est-à-dire le fait de construire un nouveau morceau de rap en faisant rejouer une mélodie sur un disque, ne faisant payé des droits qu'au compositeur du titre « interpolé »
Mais en réalité, l'instrument le plus important dans le G-Funk c'était l'automobile. Car avec The Chronic, d'une musique à faire bouger les corps, Dr.Dre avait fait une musique à faire danser les voitures. Et effectivement low-riders elles dansaient dans ces clips ou les larges capots des Chevrolet se soulevaient bow-wow-wow à la tombée du jour au rythme de ses beats synthétiques.
Ces images sont devenues l'une des marque de fabrique les plus reconnaissable du style de Dre pendant toutes ses années Death Row. Mais bien plus que cela : elles disent la vérité du G-Funk. Elles nous rappellent que cette musique est tout est tout entière construite pour et autour de l'automobile(Dre ne s'est jamais caché que, lorsqu 'il voulait écouter ce que donnaient vraiment ses sons, c'est dans sa voiture qu'il les écoutait). Dre donna à sa ville le son qu'il fallait pour sa géographie horizontal et disposant de peux de moyen de locomotion autre que l'automobile.
Ecouter The Chronic au volant. Tout ce que Dre a introduit dans le rap, avec cette pierre philosophale G de quinze titre et près d'une heure, est calibré pour le voyage automobile : les rythmes nonchalants glissent sur des nappes de synthétiseur comme le flux ininterrompu de voitures sur les highways brumeuses des métropoles moderne ; les basses gonflent dans les speakers et se répandent dans les rues par les portières aux vitres baissées ; les rimes se fondent en refrains sucrés, à reprendre en chœur en attendant que le feu passe au vert ; et les morceaux succèdent aux morceaux, scandés par des interludes faisant office d'échangeurs auto-routiers. C'est un funk qui se dans immobile derrière les pare-brises ; un funk qui ne fait plus bouger les pieds hormis pour freiner ou changer une vitesse. Le funk de Los Angeles.
Le G-Funk est la bande-son crépusculaire d'un road movie à travers les rues de Los Angeles leur succession de maisons, de magasins, de terrains vagues, tous identiques, racontent la standardisation du monde, le commerce, les divertissements manufacturés. L'asphalte est le rhizome de cette société qui en a oublié d'en être une, le G-Funk en est la sève. Etonnante emprise universelle d'une musique qui obsessionnellement, refuse de quitter le circuit clos du ghetto.
Le G-Funk est la musique de l'ennui des grandes cités, il est la bande original de ce voyage circulaire, sans but, à l'intérieur de l'enclos invisible du hood. Derrière sa célébration machinale de l'hédonisme du ghetto, il est le chant triste de ceux qui s'emmerdent. De titre en titre toujours en mouvement, en route vers l'épisode suivant. Sans jamais arriver à destination car, en fait, on ne part jamais. Les gangstas n'ont besoin d'une voiture pour ne pas quitter le ghetto. Et le G-Funk chronique leur voyages dans cette prison dont ils ont eux même construit les murs invisibles. Représentant son quartier, parlant des ces numéros de rues le G-Funk renferme le G dans son univers.
Le G-Funk est le gospel de cette diaspora qui n'est jamais sortie de chez elle, et qui a pourtant conquis le monde. Il raconte ses dérives sans horizon. Parce qu'il ne chante pas le départ hors du ghetto, mais au contraire le plaisir de s »y enterrer, on n'y retrouve pas cette éspérance qui parcourt les blues de l'Underground Railroad. Le G-Funk n'est pas le chant victorieux de la libération du joug de Babylone, il est Babylone.
Mais c'est en abandonnant ainsi la libération du peuple noir au bord de la route pour charger une ou deux salopes à bord comme Dr .Dre dans le clip de Let Me Ride que cette musique s'est ouvert la voie ver le grand public tendu tout entier ver sin but ; le fric ? le G-Funk s'est imposé, en quelques mois, comme l'incarnation parfaite du visage monstrueux et tentateur du capitalisme des années 1990.
Rarement musique avait aussi cyniquement porté la marque du dollar. Son histoire, son discours, son imaginaire, tout chez elle rappelait que l'objectif premier de ces concepteurs était de faire du fric, et vite. Sauf que ce n'est pas la richesse que ces morceaux célèbent ; c'est la consommation, cet aveuglant brasier qui pulse au cœur de la locomotive capitaliste. L'argent passe d'une main à l'autre, s'échange contre une marchandise, un contrat, sans jamais s'arrêter, comme ces voitures qui passent à longueur de journée sur les avenues des villes. Le G-Funk est le son du libre-échange, devenu musique. Death Row apportait ainsi à sa manière une pierre à l'édifice du rêve californiens.
On trouver se message simpliste, on ne peut que constater qu'il est également puissamment efficace. Tout le monde sait, bien sur , que le monde qu'il décrit est un univers factice, entièrement manufacturé à partir de nos fantasmes de Scarfaces d'appartement. Mais on s'en fout. La douceur des mélodies G-Funk nous fait oublier tout ce qu'il y a de crûment mercantile dans le projet gangsta, et nous nous laissons porter par ces basses à l'onctuosité maternelle, comme ces conducteurs qui, le bouton cruise control enfoncé, naviguent à vitesse constante sur les autoroutes américaines, se laissant porter par le flux uniforme du trafic. Sauf que, en plus, ces conducteurs-là conduisent en état d'ivresse, dans ce délicieux état d'euphorie cannabique procuré par la chronic. Qui dura, pour le hip-hop américain, jusqu'à la mort du néo-converti G-Funk le plus célèbre, 2Pac Shakur.