La vie avant la mort
La fête bat son plein chez Bad Boy depuis le décès de 2Pac. Quant à Notorious B.I.G. engrené dans la ‘guerre’ contre la Westcoast, il termine son double album 'Life After Death'. Contrarié et furieux après 2Pac et son "Hit’em Up", Biggie va reprendre du poil de la bête. En plein succès, ce 2e opus possède une ambiance moins ghetto que son premier classique 'Ready To Die' et cela se ressent au niveau de la vibe très funky. Mais dans sa paranoïa, il sait très bien que la faucheuse le suit de plus près.
C’est aussi la période « je sample à tout va » de Puff Daddy, et paie cash tous les droits d’auteurs pourvu que les chansons soient des hits. Biggie n’aura plus qu’à déchirer les instrus avec son flow grandiose et sa voix d’or pour décrire sa vie de ‘money, cash, hoes’, bref la belle vie de ‘player’. Son frère d’arme Jay-Z le rejoint pour jouer les « Brooklyn’s Finests » sur "I Love The Dough", il réalise ses fantasmes sexuels ("Fuck You Tonight" feat R Kelly)... Il profite de la vie, quoi de plus naturel en somme. Il la partage avec son amante Lil Kim, quand il parle des ‘femmes jetables’ ("Another Bitch"). Mais il n’altère en rien son talent inné et sa mémoire qu’il qualifie lui-même de « négrographique ».
Si Notorious BIG était un chanteur, ça serait Pavarotti version ‘story-teller’ de génie ("I Got A Story To Tell") et un don pour les égotrips lachés d’un trait à la manière d’un freestyle (le tubissime "Hypnotize" et "What’s Beef"). Histoire de faire la nique à la Westcoast, il sample allègrement "Bounce To The Ounce" de Roger Troutman pour "Going Back To Cali". D’ailleurs il y perdra la vie parce que cette maudite faucheuse l’avait suivi en voiture à la sortie d’une soirée strass et paillette. Le comble pour cet homme qui se sentait poursuivi par la mort, allant jusqu’à la narguer avec ces titres évocateurs comme "Sky’s The Limit" (feat 112), "Somebody’s Gotta Die"…
C’est peut-être pour cela que "Long Kiss Goodnight" peut sonner comme un testament, où il glisse des versets ignobles envers 2Pac, de façon très implicite. Comme s’il fallait que Biggie crève criblé de balles pour que 'Life After Death' prenne tout son sens. Des morceaux comme "You’re Nobody (Till Someone Kills You)" font mouche, et atteste d’autant plus cette idée de « vie après la mort ». Si 'Ready To Die' pouvait être glauque dans ses récits, cet album l’est dans le contexte.
Bref, revenons à nos moutons. Une des grandes sources d’inspiration de Biggie, c’est bien sûr DJ Premier. Les beats de "Ten Crack Commandements" et "Kick In The Door" vont forcer le rappeur à cracher des textes géniaux et originaux. Ces deux morceaux marquent le lien avec son premier album, pour ceux qui n’ont pas oublié "Unbelievable". Côté flow, c’est sur "Notorious Thugz" en compagnie des Bone Thugs’n Harmony qu’il démontre l’étendu de ses possibilités en accélérant son phrasé de façon magistrale.
Après sa mort, Notorious BIG laissera derrière lui des tas de femmes, une fille et tout Brooklyn qui le portait sur ses épaules. Le King de New York venait de s’éteindre, vive le King ! Il ne verra jamais non plus le succès engrangé par le tube "Mo Money Mo Problems" avec son ami Puff Daddy, qui sortira son propre album quelques mois plus tard. Parfois, on se demande quel visage aurait le Hip Hop s’il serait encore en vie. Une chose est certaine, il mériterait sa statue à la place de celle de la Liberté.