Christophe CARMONA alias Le Rat Luciano est né le 21.04.1976 à Marseille.
Le Rat Luciano passionné par l’écriture # quand j’écris c’est profond comme ce que ma mère m’dit # fait ses débuts dans le rap dès 8, 10ans sans vraiment prendre conscience qu’il entre dans une démarche artistique.
Puis, l’adolescence et ses troubles confèrent à Christophe une plume de plus en plus sensibilisée aux blessures et problèmes du quotidien d’un jeune fils unique issu d’une famille immigrée [ Père Antillais et Mère Espagnole dont il se montrera très reconnaissant durant toute sa carrière ] des plus modestes résidant dans les quartiers populaires du Panier.
Néanmoins, Christophe est heureux de vivre au # milieu de l’amour des parents #.
Par la suite, fruit d’une réflexion plus transversale sur la vie, Luch s’attachera à retranscrire les doutes & songes que suscitent l’existence. C’est précisément autour de ces deux axes [ les problèmes du quotidien et la vie dotée de tous les sentiments qu’elle inclut ainsi que sa fin, la mort ] que va s’articuler l’écriture de son plus jeune âge à aujourd’hui :
# mon âme songe au passé / aucune illusion ne me prendra par la main / mon âme songe au passé / et regarde comme il est / noir # (1992).
Va se former le groupe [ Black & White Zulus ]formé d’un certain Christophe CARMONA dont # l’envie de croquer le monde #(1999) est d’une insolence flagrante & de Mohamed ALI que l’on connaîtra plus tard sous le pseudonyme de Menzo dans un paysage musical marseillais soutenu par une ferveur rapologique importée directement de NYC par une certaine troupe que l’on appellera IAM quelques années plus tard dont la première cassette # Concept # (1989) suscite des vocations.
Autour des BWZ gravitent des jeunes Jihane NACHITE, Mickaël & Grégory GIANGRASSO, Saïd & Djamel MALEK.
La présence de liens fraternels dans l’entourage de Christophe [ Mickaël et Grégory Saïd & Djamel ] témoigne d’un attachement très méditerranéen à la famille qui sera un des piliers de la musique Luch et de son groupe.
Ainsi, Jean-Pierre DEPETRIS ( philosophe marseillais) dès 1992, lors d’une séance culturelle de quartier, voit en l’écriture de luch une étonnante -par son inconscience- filiation philosophique avec des auteurs renommés tels Valery Searle et Derrida .
Loin des concepts abstraits philosophiques mais proches par son écriture, Christophe et Mohamed commencent à se forger une solide réputation en rôdant sans relâche dans les open-mic.
Les piles de textes s’accumulent et lors d’une de ces rencontres hip hop dirigées par les platines d’un certain Djelalil( futur Dj Dje )ils rencontrent Karim (Satyr puis Sat )un marseillais et François ( Don Choa ) fraîchement venu de Toulouse avec son créateur musical Ghuilem ( Pone ).
La connivence rapologique est immédiate : la Fonky Family ( toujours cet attachement à un esprit familial ) se crée le 4 Décembre 1994.
Fière de ses nombreux membres ( il faut aussi compter sur le breakeur ami de Christophe, Karim allias Fellagh’a ) la FF est lancée sur un chemin où la créativité & l’émulation musicale sont à l’apogée.
Une étonnante dynamique musicale s’effectue.
Ce qui intrigue c’est que dans l’étroit underground marseillais, les BWZ puis la FF restent inconnus aux oreilles des acteurs de l’époque qu’étaient IAM & sa nébuleuse d’artistes puisque leur rencontre artistique ne s’effectuera qu’en 1995 lors d’un triste événement puisque Philippe ( Akhenaton ) prendra conscience qu’il a émulé une génération d’artistes dont il ignorait l’existence et le talent lors d’un concert organisé en l’honneur d’ un jeune MC Ibrahim ALI assassiné par des colleurs d’affiche du Front National.
Akh ébahi devant ce talent d’écriture dira de Luch « un mc comme le Rat Luciano il n’y en a qu’un par génération ».
S’en suivent « Bad Boys de Marseille » (IAM feat. FF), hit en puissance ainsi que le mythique featuring « Rien à Perdre » ( en face B du maxi/single de l’hilarant & réaliste M. GARMANI ) où Akhenaton et le Rat Luciano s’insurgent devant leur vision dépourvue d’espoir de meilleurs lendemains.
Luciano entre dans la légende. Il ne la quittera plus.
Luciano de part son écriture singulière fruit d’une conscience confuse impressionne par la sincérité de textes hantés par la tristesse, la solitude, la dépression, les tourments de la vie mais égayés par les joies de l’existence certes rares mais riches : c’est cette polarisation thématique qui va faire office de dynamique à la musique de luch. Christophe évoque fréquemment ses parents et surtout sa mère pour qui il ressent une admiration ébahie.
Luch parle à cœur ouvert et le public s’y attache.
Christophe est un marginal dans le paysage rapologique français :
il hait les stars et les stars-system, il reste fidèle à l’under aussi bien en haut de l’affiche comme dans l’ombre, son humilité frôle l’insolence,
il se livre à ses passions aussi destructrices soient-elles sans perdre sa dignité. Il se définit avant tout comme un amoureux de la musique « Luciano marié à la Zic’ sauf qu’il n’y a pas eu d’anneau »( Costello 2004 )et n’a de compte à rendre qu’à son public qu’il privilégie quitte à voir ses revenus en chute libre.
Luciano revendique son amour pour son public mais exige un respect mutuel ce qui est de cohérence avec sa haine des stars-system.
Ce qui fidélise le public de luch à son icône c’est justement la vie d’un personnage rongé par ses songes et ses inquiétudes.
Techniquement, Luciano a eu plusieurs flows.
De 95 à 99 environ, il nous interpelle par son flow très musical imbibé de sonorités très sudistes : il se moque de l’instru, son flow est l’instru. Depuis son solo à peu près, il adopte un flow beaucoup plus technique et complexe dont la musique doit révéler sa profondeur : elle doit palier à la nonchalance & la monotonie du flow pour mieux mettre en avant différentes phases & sentiments.
Luciano depuis le HS1 s’intéresse à la production.
Fidèle élève de Pone à ses débuts, il se démarque par son goût prononcé pour la composition.
Il ne bannit pas le sample mais estime que le mérite est plus ample en accomplissant sa propre composition.
Ses productions connues du grand public sont nombreuses ( Dans la légende, C torride, Filles, Flics et Descentes … )
Ses inspirations musicales sont diverses mais surtout axées autour des 80’s : Tracy Chapman, Sade ainsi que la Soul et la Funk.
Bien entendu la musique rap fais partie de sa discothèque : des classiques américains ( Nas, Public Ennemy, Boyz To Men … ) aux incontournables français (Kery James, Psy4 de la Rime, NTM … )
Il apprécie enfin les musiques du monde comme les musiques du Cap-Vert, espagnoles …
La musique n’est pas sa seule passion puisqu’il affectionne particulièrement le foot ( culture marseillaise oblige ), les soirées Don’t Sleep, les motos ( il en possède une de gros calibre )…
Finalement, Luciano marginal dans le petit monde du rap français intrigue par son humilité et par sincérité, son amour des mots et de la musique, par la profondeur des pensées qu’il nous livre en rimes et par son étonnante capacité à renouveler son écriture tout en restant fidèle à ses idéaux …
Luch, de par son talent, nous confirme et nous illustre le précepte de Victor HUGO dont il apprécie ouvertement l’œuvre :
La Musique c’est du bruit qui pense.
Pour bon nombre de jeunes de notre génération, il y aura un avant et un après « Le Rat Luciano » dont l’ « après » sera marqué par notre perpétuelle reconnaissance, jusqu’à la fin de nos jours, envers cet artiste hors norme.