C’était le « poids lourd » par excellence, un rappeur d’exception, portoricain, d’environ 200 kilogrammes de graisse. Découvert par Fat Joe, c’est en quelque sorte l’histoire de l’élève qui a dépassé le maître, une étoile devenue malheureusement filante puisqu’il nous a quitté en 2000, encore très jeune (28 ans). Malgré une vie trop courte stoppée par un arrêt cardiaque dû à une obésité presque handicapante, il nous a offert l’un des meilleurs classiques new-yorkais de la fin de la dernière décennie, avec Capital Punishment. Vous l’avez sûrement deviné, puisqu’il s’agit bel et bien de Christopher « Big Punisher » Rios.
Cet animal est arrivé dans le rap aussi vite qu’il nous a quitté, avec une force d’impact quasi inégalée. Une comparaison que l’on pourrait facilement faire avec Notorious BIG. C’est aussi le premier MC latino à atteindre la consécration en platine (en 3 mois), au nez et à la barbe de son mentor Fat Joe, notamment grâce au tube Still Not A Playa avec Joe, remix de I’m Not A Playa, présents tous deux sur le LP. Ce qui est plutôt surprenant car cette chanson ne reflète en rien le potentiel incroyable de Capital Punishment.
Tout commence avec un sample de Mobb Deep sur Beware : l’écoute qui va suivre marquera à tout jamais le hip hop. On pourrait bien décrire la technique vocale de Pun : un flow continu et fluide à allure soutenue, appuyant sur les bonnes syllabes, avec pour seuls légers temps morts le râle de son inspiration pour re-déchirer encore et encore l’instru. Le tout accentué par non seulement des lyrics incisifs et percutants mais aussi par les allitérations et assonances, amplifiant encore plus son flow pour en faire une symbiose parfaite. Ce mélange bien sûr catalysé par son timbre de voix particulier et puissant. Rien que Super Lyrical (avec Black Thought) suffira à admettre l’évidence.
Big Pun n’était pas seulement assisté par Fat Joe, mais aussi le Terror Squad, les Beatnuts à la prod, bref les ‘latin hip hop heads’, en plus de la crème du rap new-yorkais de l’époque (Busta Rhymes, Noreaga, Prodigy, …). Ce qui permet à Pun de démontrer une versatilité à toute épreuve, de Tres Leches avec P Double et Inspectah Deck sur un son de RZA à des prods plus r&b comme Punish Me. Beaucoup de ses morceaux sont anthologiques, comme Twinz avec Fat Joe, continuant le morceau de Snoop Dogg et Dr Dre sur Deep Cover mais sept ans plus tard, à la sauce latino made in BX. L’exotique Carribean Connection avec Wyclef aussi en fait parti, avec cet instru aux saveurs raggae s’accommodant aux flows hardcores des deux rappeurs.
Big Pun était aussi très doués en ce qui concerne les jeux de mots, un humour qui a fait de lui un rappeur très charismatique. De l'autre côté, ses punchlines font toujours décoller les oreilles. Sa présence est imposante et sa voix interpelle. Ses thèmes très variés font de Capital Punishment un album très riche, découpé par de nombreux interludes n’ayant rien de facultatif, nécessaires à la transition entre les morceaux : On ne zappe aucune chansons (Glamour Life, The Dream Shattered, You Came Up…), on l’écoute sans cesse en boucle.
Capital Punishment est un véritable patchwork, un classique proportionnel au tour de taille de Big Pun. Pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’écouter cet album, il n’est pas encore trop tard d’admirer ce véritable premier et dernier album d’un MC tout à fait extraordinaire*, au talent démesuré mais incontestable. RIP Big Punisher.
*considérant que Yeah est un album posthume.